Le chef d’entreprise sait qu’il endosse une responsabilité en s’installant.
Les difficultés que peut rencontrer le créateur d’entreprise peuvent lui être reprochées en raison de certaines fautes de gestion, mais elles peuvent aussi être dues à des éléments extérieurs qui lui échappent et qui concourent au ralentissement de son activité.
Quoiqu’il en soit, les événements impactant le bon déroulement de l’activité de l’entreprise entraînent des inquiétudes quant au paiement des créanciers.
La question se pose alors de l’engagement du patrimoine personnel du dirigeant d’entreprise qui selon la forme juridique choisie sera plus ou moins impliqué dans le remboursement des dettes.
L’engagement du patrimoine personnel du dirigeant doit aussi être envisagé sous l’angle des régimes matrimoniaux puisque selon les choix opérés par le dirigeant et son conjoint, l’implication du patrimoine personnel du dirigeant et/ou du couple ne sera pas le même en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise.
En outre, lorsque le dirigeant se porte caution pour le prêt bancaire de sa société, son patrimoine personnel est mis en jeu.
En quoi consiste la responsabilité financière du dirigeant et comment elle peut être engagée ? Quelle est l’incidence du choix de la structure d’exercice et, en amont, du régime matrimonial du dirigeant. Le point dans cet article.
En quoi consiste la responsabilité financière du dirigeant ?
La responsabilité du dirigeant s’entend d’abord comme le fait pour le dirigeant de répondre des dommages causés à autrui en raison d’une faute qu’il aurait commise.
Le dirigeant d’entreprise dont la responsabilité financière est engagée voit son patrimoine personnel impliqué afin de réparer les dommages et les préjudices qui seraient causés aux tiers ou aux associés.
Cela étant, la responsabilité du dirigeant ne peut être engagée qu’à certaines conditions, le Code civil ainsi que le Code du commerce précisent ces conditions.
Que dit la loi sur l’engagement de la responsabilité des dirigeants ?
La loi précise les conditions de l’engagement de la responsabilité des dirigeants selon les différentes formes de sociétés :
- Pour les SA : article L 225-251 du Code de commerce
- Pour les SAS : article L 227-7 Code de commerce
- Pour les SARL : article L 223-22 Code de commerce
En toute hypothèse, pour que la responsabilité du dirigeant soit engagée, trois éléments sont indispensables à savoir :
- un fait générateur
- un préjudice
- un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice
L’impact du choix de la forme juridique sur la responsabilité financière du dirigeant
Selon le choix du statut juridique de l’entreprise, le patrimoine personnel du dirigeant n’est pas impliqué de la même façon.
Ainsi, la protection du patrimoine personnel est assurée par un certain nombre de dispositions légales, qui diffère selon qu’il s’agit :
- d’une entreprise individuelle (EI) ou d’une auto-entreprise
- d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)
- d’une SARL/EURL
- d’une SASU/SAS
L’EI et l’auto-entreprise
Dans l’entreprise individuelle et l’auto-entreprise, le chef d’entreprise ne bénéficie pas de la séparation des patrimoines personnels et professionnels.
Par conséquent, le dirigeant engage son patrimoine personnel en cas de défaillance de son entreprise, car il travaille en “nom propre”. Les dettes professionnelles du dirigeant engagent donc son patrimoine personnel et son patrimoine familial selon le régime matrimonial auquel il est soumis (par défaut, communauté légale des biens).
SARL/EURL
Dans cette structure juridique, l’entreprise est une personne morale disposant de son propre patrimoine constitué par le capital social.
La responsabilité financière des associés pour les SARL ou bien de l’associé unique dans l’EURL est limitée aux apports faits à la société. Autrement dit, le patrimoine de la société est séparé du patrimoine personnel du dirigeant.
La responsabilité limitée en SARL entraîne donc l’impossibilité de saisir les biens personnels d’un gérant lorsque la société est en liquidation judiciaire.
L’EIRL
Dans l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, la responsabilité du dirigeant est limitée par la constitution d’un patrimoine d’affectation dédié à son activité professionnelle.
En d’autres termes, le patrimoine personnel du dirigeant n’est pas engagé si l’entreprise rencontre des difficultés. Les créanciers professionnels ne peuvent se rembourser sur le patrimoine personnel, mais uniquement sur le patrimoine affecté à l’EIRL.
Notons que le dirigeant doit faire une démarche spécifique afin d’affecter son patrimoine en effectuant une déclaration désignant le patrimoine d’affectation.
La déclaration d’affectation du patrimoine de l’EIRL doit comprendre l’objet de l’activité de l’EIRL et un état descriptif des biens qui lui sont affectés (en nature, quantité, qualité, valeur).
SASU/SAS
De même, la responsabilité des associés pour les SAS ou la responsabilité de l’associé unique des SASU est limitée aux apports faits à la société.
Le patrimoine privé du dirigeant est protégé. Les créanciers de la société ne pourront pas les saisir en cas de faillite.
Notons toutefois que la responsabilité des dirigeants peut être étendue dans certains cas, tels que la faute de gestion par le dirigeant ou la violation des statuts de la société.
L’impact des régimes matrimoniaux sur la responsabilité financière des dirigeants et des conjoints
Les différents régimes matrimoniaux
Pour mémoire, le régime matrimonial désigne le régime des biens des époux (actif et passif), qui entraîne des conséquences pécuniaires à la suite de leur mariage. Les conséquences financières du régime matrimonial produisent des effets non seulement entre les conjoints, mais aussi dans leur rapport à l’égard des tiers, dont les créanciers.
Par conséquent, le choix du régime matrimonial aura un impact sur la création d’une entreprise puisqu’en cas de défaillance de l’entreprise, la question de l’engagement des patrimoines personnels des époux se pose.
Les principaux régimes matrimoniaux existants sont
La communauté de biens réduite aux acquêts : c’est le régime légal à défaut de contrat et, globalement, les biens acquis après le mariage et les dettes inhérentes font partie de la communauté.
La séparation des biens : chaque bien appartient à celui qui l’a acheté et le passif est dû par l’époux qui l’a généré. Les époux sont autonomes dans la gestion de leurs biens respectifs.
La participation aux acquêts : le régime de la participation aux acquêts fonctionne comme le régime de la séparation de biens pendant le mariage, chacun gère ses biens comme il l’entend et chacun est tenu de ses dettes personnelles. Puis au moment de la dissolution, on se retrouve dans un système proche de celui de la communauté légale.
Quel est le lien entre la responsabilité financière des dirigeants et le régime matrimonial ?
Le régime matrimonial impacte le créateur d’entreprise, puisque le patrimoine personnel et par extension, le patrimoine familial (patrimoine du couple) peut être impliqué selon le régime matrimonial choisi.
En effet, selon le régime matrimonial, l’engagement des époux sera différent :
- Concernant le régime de la communauté des biens réduite aux acquêts : si l’entreprise est créée avant le mariage, elle demeure un bien propre du créateur d’entreprise et les dettes ne sont dues que par ce dernier. En revanche, si l’entreprise est créée après l’acte de mariage, elle entre dans le patrimoine commun des époux et les dettes qu’elle peut générer sont communes.
- Concernant le régime de la séparation de biens : chaque conjoint conserve ses biens propres, peu importe qu’ils aient été acquis avant ou après le mariage. Par conséquent, en cas de difficulté de l’entreprise, les biens du conjoint non exploitant sont protégés.
- Concernant le régime de la participation aux acquêts :régime fonctionnant pendant le mariage comme le régime de la séparation de biens, puis comme la communauté de biens réduite aux acquêts en cas de séparation. Le patrimoine personnel du conjoint non exploitant est préservé durant le mariage et en cas de séparation il y a un partage des biens entre les ex-époux, comme dans la communauté.
Le cas du cautionnement du dirigeant : l’engagement nécessaire du patrimoine personnel du dirigeant
Le dirigeant d’une société peut être amené à se porter caution pour sa société, lors de l’octroi d’un crédit bancaire.
En effet, dans le cas où le capital social de la société est d’un montant trop faible, la banque peut être réticente à accorder un prêt, c’est pourquoi le dirigeant, en se portant caution, s’engage à payer personnellement les échéances du prêt bancaire si la société est défaillante.
Par conséquent, le principe de séparation du patrimoine personnel du patrimoine professionnel du dirigeant de société est remis en cause quand les banques exigent la caution du dirigeant sur ses biens personnels afin de garantir les prêts de son entreprise. A supposer que le dirigeant ne puisse éviter de se porter caution, il lui reste possible de négocier avec la banque un montant plafond et une durée maximum, afin de limiter son engagement personnel.
Parlons-en ensemble !
Textes de référence :
- article L223-1 Code de Commerce
- article L227-1 Code de commerce
- article 1497 Code civil
- article 1526 Code civil
- articles 1536 à 1543 Code civil
- articles 1569 à 1581 Code civil
- article L.225-46 Code de commerce